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Alors que près de 80% des entreprises belges sont familiales, qu’elles aspirent à la pérennité et ont le souci du partage des mêmes valeurs entre générations, pourquoi la transmission du flambeau est-elle souvent le point délicat, le nœud de défaillance dans l’organisation de l’entreprise à travers les générations ?
Beaucoup d’encre a coulé sur les aspects visibles et matériels des difficultés de la transmission familiale : effet « 3ème génération », héritiers incompétents, peu ou mal formés…
C’est nettement moins souvent que l’on évoque les aspects plus personnels au cédant, irrationnels, émotionnels, qui révèlent tout ce qui unit le « pater familias » et son entreprise.
Comment comprendre les émotions ressenties par le fondateur alors qu’il se prépare à transmettre à sa descendance l’oeuvre de sa vie ?
Tous, nous avons déjà vécu (au moins certaines) des émotions qui émaillent une vie : voir grandir et partir ses enfants, divorcer, vendre sa maison, racheter une maison, déménager, perdre un proche… Nous savons ce que cela provoque : un vide !
Si nous comprenons que le chef d’entreprise va vivre TOUTES ces émotions-là, mais aussi qu’il va les vivre toutes sur une période très courte, alors nous avons compris, un peu, les émotions qui vont traverser le dirigeant dès qu’il décide de transmettre, jusqu’à la transmission effective.
Pas mal d’émotions surgissent en cours de processus et sont susceptibles d’altérer ou rendre plus difficiles les négociations. Ce sont de véritables montagnes russes émotionnelles qui peuvent aller de l’excitation à la tristesse et à des tensions et ressentiment, au fur et à mesure de l’avancée du processus, et surtout à l’approche du Due diligence que « l’héritier » familial peut avoir une certaine gêne à solliciter, et qui est parfois vécu comme une intrusion et un acte de défiance par le cédant.
Le côté logique des décisions et du processus se heurte souvent aux émotions de la décision.
Dans la foulée de ces émotions, plusieurs freins plutôt psychologiques sont susceptibles de rendre la transmission plus difficile :
La perte de pouvoir, d’influence et de légitimité
L’arrivée du successeur signifie la disparition du pouvoir, du contrôle ou en tout cas de la légitimité de l’autorité de l’ascendant, exercés sur les collaborateurs et l’encadrement, mais aussi sur la famille et les proches.
Désormais il n’est plus le patron.
Un faux pas du successeur lui permettrait-il de revenir en sauveur ?
La perte de sens
L’entreprise, ce n’est pas que le travail. C’est aussi la vie. Elle a rythmé toute l’existence de son dirigeant et de sa famille.
Le cédant n’est plus la personne de référence. Même s’il est toujours présent tous les matins et prodigue ses conseils, c’est bien le repreneur qui, désormais, communique les décisions sur la ligne à suivre.
Le refus de la mort
Une page se tourne ! C’est la fin d’une existence et cela renvoie à notre propre destinée. Chacun sait qu’un jour ou l’autre, quel que soit le chemin, il faudra quitter l’entreprise. Il faut assumer ce passage d’une vie à une autre, éviter de s’accrocher au fauteuil de direction.
Avec la crainte que « l’autre » fasse mieux !
Ces différents freins se traduisent aussi dans l’évolution du processus de transmission : la négociation entre cédant et repreneur où le premier souhaite, d’une part, assurer les conditions de sa nouvelle vie tout en préservant l’unité familiale, l’équilibre entre ses enfants (actifs ou non dans l’entreprise) et, d’autre part, ne pas écraser le repreneur sous le poids de la dette de reprise de la Société.
Cet exercice constitue un véritable challenge dans lequel les conseils ont certainement un rôle important de médiation à jouer vis-à-vis de toute la famille, permettant à chacun de s’ouvrir pour communiquer ses propres préoccupations et entendre les intérêts et le besoin de reconnaissance de l’autre.
Car on ne peut évidemment pas sous-estimer les émotions du repreneur, sur qui repose désormais le poids de mener l’entreprise familiale vers de nouveaux succès, avec l’obligation de s’y faire un prénom.
La transmission familiale, particulièrement, n’est jamais uniquement une histoire d’argent. Avec la nécessité de l’équilibre évoqué plus haut, s’y mêle l’histoire d’une famille avec ses codes et ses non-dits.
La succession à la tête de l’entreprise peut aussi prendre d’autres formes que la transmission familiale, qui génèreront aussi des émotions.
Mais ça, c’est une autre histoire !
Benoît Hardy
Accessio
Administrateur de l’UPIC